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samedi 14 mai 2016

Ménagerie de Papier (La)..........de Ken Liu

Titre : La Ménagerie de Papier
Auteur américain : Ken Liu
Première édition en 2015 pour le recueil (2004 à 2014 pour les premières éditions des nouvelles)
Catégorie : recueil de nouvelles de science-fiction et de fantastique
424 pages

Photo du livre

Il serait difficile de donner un aperçu rapide des dix-neuf nouvelles qui composent ce recueil. Pour donner le ton de ce livre, voici toutefois ci-dessous les thématiques traitées par quelques unes des nouvelles. Il ne s’agit pas d’une sélection de mes nouvelles préférées, mais plutôt d’un échantillon représentatif :

« Faits pour être ensemble »

Au sein de ce recueil, plusieurs nouvelles correspondent à de la pure science-fiction, sans présence de fantastique. C’est le cas de « Faits pour être ensemble » qui nous plonge dans un futur proche, dans lequel les hommes se laissent guider à chaque moment de leur vie par une application : Tilly.

Sai, le personnage principal de cette nouvelle, n’y voit aucun problème : en étant branché en permanence, Tilly a une parfaite connaissance de ses goûts, il est donc logique qu’il choisisse à sa place son prochain rancart, le lieu où il va faire ses courses, ainsi que la musique qu’il va écouter. Sauf que Sai a une nouvelle voisine, qui lui propose de débrancher Tilly…

« La Ménagerie de papier »

A l’inverse de la précédente, cette nouvelle illustre le goût de Ken Liu pour des pointes de fantastique dans un univers très réel. Ici l’histoire d’un jeune garçon, Jack, dont le père est Américain et la mère d’origine chinoise.

Etant enfant, sa mère lui concevait des origamis d’animaux, qui prenaient vie une fois terminés. Jack a beaucoup joué avec eux. Mais il a ensuite grandi, et commencé à rejeter sa mère qui n’incarnait pas assez l’Amérique moderne à son goût. En partie par honte vis-à-vis de ses copains, Jack se tourne vers de nouveaux jeux, sans prendre en considération le mal qu’il fait à sa mère.

Mais d’où vient sa mère et qui est-elle en réalité ? C’est ce que Jack va finir par comprendre.

« Le Peuple de Pelé »

Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité l’homme atteint une planète habitable. Son voyage a duré plusieurs dizaines d’années.

Le commandant de cette mission doit alors former une colonie sur cette planète. Il reçoit de nombreux ordres émanant de la Terre qui trahissent les conflits militaires en cours au moment de leur départ : on lui demande de reconnaître officiellement la planète comme étant d’appartenance américaine, puis d’emprisonner la Japonaise de leur équipe, et ce n’est sans doute que le début. Mais peu à peu les ordres qu’il reçoit le déconcertent. Est-il raisonnable d’obéir à des injonctions datant de plusieurs dizaines d’années (le temps que les ondes radios parcourent l’espace), donc formulées dans un contexte géopolitique qui n’est sans doute plus le même aujourd’hui ?

« La forme de la pensée »

Des humains débarquent sur une planète pour s’y établir. Mais une autre race y vit déjà, les Kalathanis, dont le niveau technologique est bien inférieur à celui des hommes.

Leur langue à base de gestes s’avère difficilement compréhensible. Une linguiste est donc mise sur le coup. Elle s’appuie sur sa fille Sarah, jeune enfant, partant du principe que son esprit est plus flexible que le sien, et qu’elle parviendra sans doute mieux à apprendre cette étrange langue.

La cohabitation devient vite difficile entre les deux peuples, du fait d’une complète incompréhension des humains à l’égard de leurs hôtes. Sarah fait toutefois d’énormes progrès dans sa maîtrise de la langue Kalathanis et de leur culture. Mais cela sera-t-il suffisant pour empêcher un affrontement ?

Ken Liu ne s’attache pas à un genre en particulier. Ce qui l’intéresse ce sont les idées exprimées, ainsi que les atmosphères installées. Ainsi, là où des écrivains qui s’en tiennent strictement au genre de la science-fiction ou à la littérature générale ne mettraient pas un soupçon de touche fantastique, Ken Liu n’hésite pas à faire des mélanges. En témoigne la nouvelle « Golem au GMS », dans laquelle un navire spatial est infesté de rats malades qui risquent de contaminer leur planète de destination. Jusqu’ici, c’est un scénario très SF. Mais voilà que Dieu arrive pour demander à une jeune fille de dix ans de fabriquer un Golem à base de boue, dans le but de pourchasser les rats avant que le vaisseau ne termine son voyage. C’est aussi le cas avec la nouvelle « la Ménagerie de Papier », dans laquelle d’autres écrivains n’auraient sans doute pas donné vie aux origamis créés par cette mère asiatique.

Le résultat en est un style assez original, qui imprime bien une sorte de marque « Ken Liu ».


Je souhaiterais maintenant revenir sur quelques thématiques qui reviennent de façon régulière dans ce recueil, et qui témoignent des goûts de cet auteur :

Le dialogue intergénérationnel et entre espèces

La question du dialogue est omniprésente dans ce recueil. S’il fallait lui attribuer une thématique phare, je pense que ce serait celle-ci.

Dialogue d’abord entre générations : un fils qui ne comprend pas sa mère d’origine étrangère (« La Ménagerie de Papier »), une femme de 50 ans qui retrouve le fils qu’elle avait abandonnée à sa naissance (« Trajectoire »), ou encore Sarah dans « La forme de la pensée » qui finit par se sentir plus proche des Kalathanis que de ses parents.

Dialogue difficile aussi entre espèces. Dans « La peste » par exemple, où un groupe de mutants a émergé parmi les hommes et vit à l’écart. Chacun des deux groupes s’estime normal, quand l’autre ne le serait pas. Mais la nouvelle qui illustre le mieux cette confrontation des deux races est bien sûr « La forme de la pensée » où les hommes en viennent à détester les Kalathanis après qu’ils aient mangé des cadavres humains, sans comprendre qu’il s’agit certainement là d’une pratique culturelle et non pas d’une agression à leur égard.

Des formes de vie et d’écriture différentes

Ken Liu a des idées très originales sur les formes de vie et d’écriture. Il les expose notamment dans « Le livre chez diverses espèces », où l’on découvre par exemple l’espèce des Allaciens qui grave ses pensées via un appareil vibratoire. Pour les lire, il faut donc faire vibrer son nez contre la gravure, ce qui génère un son à l’intérieur du cerveau (un peu comme un tourne-disque).

« Le Peuple de Pelé » fait quant à elle figure de prouesse en matière d’imagination sur la vie extraterrestre, en décrivant des pierres qui vivent au rythme du temps géologique.

Dérives liées à des évolutions technologiques

Dans un registre plus traditionnellement SF, Ken Liu nous met également en garde contre certaines dérives technologiques :

Dans « Renaissance » on efface les souvenirs néfastes de certains criminels pour les remettre sur le droit chemin. Ils ne peuvent garder en mémoire que leurs bons côtés, comme si une partie d’eux méritait de vivre et pas l’autre.

Dans « Faits pour être ensemble » le système de contrôle par les cookies que l’on connaît bien dans notre société est généralisé à l’ensemble de nos faits et gestes de la journée.

Dans « L’Oracle », une technologie permet de voir des flashs de notre futur. Malheureusement pour Penn Claverly, le personnage principal, il se voit en tant qu’assassin en puissance et doit alors continuer à vivre avec cette idée.

Enfin, la thématique de l’immortalité, est traitée à plusieurs reprises, dans « Trajectoire » et dans « Les Vagues ». Sans la rejeter, Ken Liu montre qu’elle pose de nombreux soucis, que ce soit dans la construction du sens de la vie ou dans le fait de devoir vivre immortel au milieu de gens qui choisissent au contraire de mourir de vieillesse.

mon impression

Je ne suis pas un grand fan des recueils de nouvelles, simplement parce que j’ai beaucoup de mal à rentrer dans une histoire. Je ne suis véritablement lancé dans un roman qu’après avoir lu cinquante pages, parfois même cent. Confronté à des nouvelles, ma lecture est donc souvent laborieuse.

Mais si je mets à part cette difficulté qui n’a strictement aucun rapport avec la qualité des nouvelles, je dirais de ce recueil qu’il est excellent. L’auteur arrive globalement à se renouveler, tout en imprimant à chaque fois sa marque. On sait qu’on lit un Ken Liu.

En quelques pages, il parvient à nous mettre face à des personnages poignants. Je suis toujours impressionné de constater que je suis triste pour le sort d’un personnage à la fin d’une nouvelle d’une vingtaine de pages seulement.

Enfin, c’est un auteur qui marque aussi par son engagement sur des thématiques importantes, notamment celle du dialogue et de l’altérité.

Pour ceux qui aiment les nouvelles, un livre que je recommande grandement !

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