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samedi 16 septembre 2017

Servante écarlate (La)..................nouvel emblème féministe

Un roman de Margaret Atwood

Titre : La Servante écarlate
Auteure canadienne : Margaret Atwood
Première édition en 1985
Catégorie : roman de science-fiction (dystopie)
511 pages

Photo du livre

En 2015 je demandai à mon libraire des exemples en science-fiction de romans féministes. Sans hésiter il me parla de La Servante écarlate, écrit en 1985. Un titre qui m’était alors totalement inconnu. Je l’ai immédiatement dévoré. En plus de nous servir une histoire à couper le souffle, je le trouvai très juste sur le plan politique.

Maintenant, ce roman se vend en tête de gondole chez les grandes enseignes de librairie, grâce (si l’on peut dire) à l’élection de Trump et à l’adaptation récente en série télé. Pour une fois que ce n’est pas un Marc Lévy qui occupe le devant de la scène, il me semblait nécessaire de saluer cela par un article.

Je ne suis pas un habitué des articles politiques. Mais cette fois-ci j’y fais exception, car il me paraît impossible d’écrire sur La Servante écarlate sans parler de féminisme.

Aperçu de l’histoire

Notre servante écarlate se nomme Defred. Enfin se nomme… Ce n’est pas véritablement son prénom : "Defred" signifie qu’elle est la "rouge" de "Fred", c’est-à-dire la mère porteuse à disposition du commandant Fred. Son vrai prénom – June – n’existe plus officiellement et ne subsiste que dans sa seule mémoire. Le jour où elle partira, sa remplaçante se nommera à son tour "Defred". Tout comme dans les maisons alentours les rouges se dénomment "Dewarren" ou encore "Deglen", à chaque fois en référence au nom de l’homme qui les possède.

June est certes traitée comme un objet, mais comme un objet de grande valeur : dans ce futur proche, la majorité des femmes sont devenues stériles suite à une guerre (idem pour les hommes, mais chut! : le sujet est tabou). Toutes les femmes présumées fertiles valent donc de l’or, à l’image de June.

Comme la plupart des sociétés autoritaires, celle-ci dispose de son lot de prisonniers à éradiquer. Aux femmes, on laisse le choix entre les camps de travail (synonyme de mort à brève échéance) ou le statut de "rouge". Si elles optent pour ce second choix, on leur attribue chacune un "commandant" dont l’épouse est stérile. Elles passent alors plusieurs mois dans la demeure familiale. Et si elles ne tombent pas enceintes, on les attribue à un nouveau commandant avec l’espoir que cela fonctionne mieux. June en est à son troisième. Or en cas d’échec à trois reprises, il est admis que les rouges sont stériles (jamais il ne viendrait à l’idée que le souci provienne des trois commandants). A coup sûr c’est alors le camp de travail qui les attend.

June a connu l’époque antérieure, notre époque. En ouvrant La Servante écarlate, vous deviendrez June : vous vivrez heure par heure le quotidien d’une rouge ; et vous vous souviendrez du basculement sociétal qui est arrivé.

Le quotidien d’une esclave, au pas d’une narration saisissante

June est une esclave, il n’y a pas d’autre mot. Mais pas une esclave sexuelle : elle est une mère porteuse forcée. Oubliez l’insémination artificielle : il y a pénétration. Chaque mois June se fait ainsi rituellement violer : l’épouse officielle du commandant se positionne à la tête du lit, écarte ses jambes entre lesquelles la tête de June vient se caler, entièrement habillée à l’exception de son entre-jambe pour permettre au mari de la pénétrer. Toute trace de sensualité est rigoureusement interdite. Beaux sous-vêtements et maquillage sont d’ailleurs bannis ; l’épilation aussi.

Tout est écrit à la première personne, au présent, avec quelques flashs sur le passé. Un système narratif que j’ai trouvé parfait, et qui permet de suivre le quotidien, presque heure par heure, de cette rouge : son réveil le matin, le regard tourné sur le lustre qu’on lui a retiré pour l’empêcher de se pendre ; le petit-déjeuner solitaire ; la promenade pour aller faire les courses en compagnie d’une autre rouge (la conversation ne leur est pas permise, et chacune doit surveiller la bonne conduite de l’autre) ; ou encore les interminables siestes. Et puis… par moment des faits plus exceptionnels qui la sortent de ce terrible ennui : les accouchements des autres rouges, les exécutions publiques, ou encore les quelques moments interdits que June va finir par connaître, et que je vous laisse découvrir par vous-mêmes.

Cette narration à la première personne, au présent, permet de se projeter dans l’esprit de June : vous devenez elle, ressentez tout autant qu’elle le temps qui passe, et avez une position de premier plan pour observer les interactions des différents personnages avec elle. La gestuelle des personnages est notamment très signifiante : position de la tête, regards, lenteur de la marche, autant de détails qui viennent marquer les rapports de force entre les personnages et le poids des normes.

Au regard de mon engouement pour ce choix narratif, vous comprendrez donc pourquoi j’ai été brusqué à la fin du roman, en découvrant que la fin du recours au « je » n’implique pas la conclusion du récit. Margaret Atwood a en effet choisi d’ajouter une fausse post-face en guise de chapitre final, intitulée « notes historiques ». On découvre alors les extraits de « procès verbaux » d’un colloque organisé 200 ans plus tard, qui nous proposent une analyse historique de ce que l’on vient de lire. Cela permet d’extérioriser soudain le propos, et d’appuyer la démarche politique évidemment sous-jacente à ce roman. De ce point de vue-là, Margaret Atwood a donc eu une riche idée. Mais sur le plan émotionnel, j’ai vécu cela durement : le chapitre précédent, qui clôt l’histoire de June, est assez bouleversant, et aurait largement pu faire office de fin de roman. J’aurais alors tourné la dernière page, sous le choc. Mais non ! On nous réveille immédiatement avec un propos distancié, d’historien, ce que j’ai ressenti comme une forme de trahison. Force est néanmoins de constater que cette postface est utile sur le plan politique, car il s’agit là d’un roman hautement féministe.

Un roman évidemment féministe

Au préalable, je me permets de faire un rappel éclair sur la définition du féminisme, car on entend encore ici ou là l’idée que les féministes seraient nécessairement des femmes, qui n’aiment pas les hommes, et voire même qui voudraient plus de droits que les hommes. Non, le féminisme c’est un ensemble d’idées politiques, philosophiques et sociales, qui ont pour finalité l’égalité homme-femme. Les hommes ont donc le droit d’être féministes (et ils y sont encouragés !), et c’est même dans leur intérêt (nombre d’analyses montrent que l’homme souffre aussi des inégalités entre les deux sexes, ce que je ne développerai pas là par manque d’espace). Le féminisme n’implique par ailleurs pas nécessairement un militantisme : il suffit de partager les idées féministes pour se dire féministe, alors n’hésitez pas ! De même qu’il n’y a pas besoin d’être encarté pour se revendiquer de gauche ou de droite.

Le féminisme s’approprie de temps à autre la littérature pour s’exprimer, et à de rares occasions la science-fiction. Nous en avons ici un bel exemple, explicite.

Dans La Servante écarlate cela se manifeste premièrement par le choix de faire pâtir la femme plutôt que l’homme dans cette société, soulignant par là que dans l’histoire de l’humanité l’aggravation des inégalités de sexe se fait quasiment toujours au détriment de la femme. Si c’était l’inverse, ce serait l’homme qui serait devenu un esclave, utilisé comme une machine à reproduire. Avouez que l’idée vous vient spontanément moins à l’esprit, et vous fait même rire, tant nous sommes imbibés des images de femmes-objets. Au passage, pour ceux que ça intéresse, je vous invite à lire l’excellent Chroniques du pays des mères qui nous montre justement l’évolution inverse, également sous un angle féministe : Elisabeth Vonarburg y projette un futur dans lequel les femmes, après avoir connu une période d’esclavage, en viennent à se révolter et à transformer à leur tour l’homme en une sorte d’esclave dédié à la reproduction.

On ressent également le féminisme de La Servante écarlate à travers les références régulières à notre société, clins d’œil qui nous montrent qu’on ne se trouve pas si loin du monde qui nous est présenté. C’est l’exemple de cette sorte de voile intégral (rouge et non pas noir), porté par June et ses semblables. On ne se trouve toutefois pas dans une dictature islamiste, mais chrétienne, manière de bien montrer que le danger vient de tous les extrémismes religieux. L’épouse du commandant est d’ailleurs une sorte d’ancienne Sarah Palin : en son temps, véritable conservatrice chrétienne, elle a milité pour le retour des femmes au foyer, et l’on peut dire ironiquement que c’est une franche réussite puisqu’elle n’a désormais plus le droit de travailler et d’exercer un mandat politique. On ne peut évidemment s’empêcher de faire des parallèles avec l’Amérique de Trump ou encore avec Marine Le Pen, j’y viens plus loin.

Un roman qui a le vent en poupe

Ecrit en 1985, La Servante écarlate a bénéficié d’une reconnaissance rapide avec notamment le prix Arthur C. Clarke en 19871 (c’est même le premier roman de l’histoire à recevoir ce prix, puisqu’il a été créé cette année-là) et une adaptation au cinéma en 1990 par Volker Schlöndorff (une production américo-allemande).

Mais depuis, ce roman a quitté le devant de la scène, même s’il a toujours continué à se vendre. Je l’ai moi-même acheté et lu en 2015 sur les conseils de mon libraire.

Il faut attendre deux gros événements intervenus récemment pour que La Servante écarlate revienne sur le devant de la scène : ce cher Trump est arrivé au pouvoir, et une adaptation en série télé est sortie en avril aux Etats-Unis (en juin en France).

schéma

L’élection de Trump n’est pas anodine, puisque ses idées et ses projets de lois discriminatoires envers les femmes ont conduit les féministes à manifester et, surprise, à créer un mouvement dénommé « Handmaid Coalition », en référence au nom anglais de La Servante écarlate : The Handmaid's Tale (le conte de la servante). La référence dépasse d’ailleurs le seul nom du roman, puisque le mouvement reprend également des éléments de langage (« Non à la République de Gilead », « La Servante écarlate n’est pas un manuel d’instruction »2) et les militantes portent la même tenue que June : longs manteaux rouges et coiffes dissimulant le visage.

Conjugué avec la sortie de la série, les ventes du roman ont donc explosé. Au point qu’il est actuellement en tête de gondole à la FNAC. Margaret Atwood en est même venu à plaisanter sur l’élection de Trump : "Je dois vous avouer, j'ai manipulé l'élection"3.

Un roman logiquement à la mode : les droits des femmes bafoués et menacés

Ecrit en 1985, ce roman projette son lecteur de l’époque dans un futur proche : la fin du XXe siècle. Le basculement imaginé ne s’est certes pas produit, mais ne le croyez pas farfelu : toutes les injures faites aux femmes dans ce roman sont inspirées de faits réels. Margaret Atwood a d’ailleurs souligné qu’elle s’était fixée une règle d’écriture : « je n’inclurais rien que l’humanité n’ait pas déjà fait ailleurs ou à une autre époque, ou pour lequel la technologie n’existerait pas déjà. Je ne voulais pas me voir accusée de sombres inventions tordues, ou d’exagérer l’aptitude humaine à se comporter de façon déplorable.»5

Et en effet, un coup d’œil sur notre époque nous montre malheureusement que les femmes sont loin d’avoir obtenu l’égalité avec les hommes :

  • Dans certains pays, leurs droits sont rabaissés au même rang que ceux des mineurs. En Arabie Saoudite, par exemple, les femmes n’ont pas le droit de conduire et « doivent demander l’autorisation de leur tuteur masculin (mari, père, frère, oncle) pour voyager, travailler, se marier, ou même voir un médecin »6. Et l’Arabie Saoudite n’est pas le seul cas de ce genre, puisque 16 pays dans le monde n’accordent pas aux femmes la majorité juridique6.

  • Dans la même veine on trouve la question du divorce : de nombreux pays interdisent ou limitent les droits de la femme à divorcer6. Et parfois elles en ont théoriquement le droit, mais ont interdiction de le réclamer, ou doivent demander la permission de leur mari6.

  • La question de l’avortement est également prégnante : il est interdit dans une vingtaine de pays, et dans beaucoup d’autres il n’est autorisé qu’à condition que la vie de la femme enceinte soit en danger7.

Non, la France n’est pas un havre de paix pour les femmes

L’objection classiquement entendue face à ces exemples est toujours la même : "vous me parlez là de pays barbares, mais chez nous, en France et dans les autres pays développés, cela n’a rien à voir, les femmes ont obtenu l’égalité ». Alors certes, en France, les femmes ont le droit de vote depuis 1944, elles peuvent exercer une profession et ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation de leur mari depuis 1965, on leur a permis d’avorter légalement à partir de 1975 avec la loi Veil, et depuis 1992 un arrêt de la cour de cassation reconnaît le viol entre époux8 (et oui… il aura fallu du temps). Mais ces quelques grands acquis sont régulièrement attaqués, et ne suffisent par ailleurs pas à gommer les comportements de domination masculine qui contribuent à maintenir de fortes inégalités entre les deux sexes.

Les pays développés, théâtres réguliers d’attaques politiques à l’encontre des droits des femmes :

Les menaces à l’encontre de ces acquis du XXe sont notamment portées par l’extrême droite et par la droite conservatrice chrétienne. Le FN, par exemple, prône une présence plus importante de la femme à la maison. L'eurodéputé frontiste Dominique Martin l’a clairement dit en 2015, en mettant en avant que cela permettrait de « libérer des emplois » et de « sécuriser nos rues » (puisque nos enfants seraient ainsi mieux éduqués)9. Et cet homme n’a pas un point de vue isolé au FN, comme en témoigne l’idée de Marine le Pen d’introduire un « salaire maternel »10 pour que les femmes puissent cesser le travail (80% du SMIC pendant 3 ans à partir du 2e enfant, puis pendant 4 ans pour le 3e). Mesure que le FN s’est empressé de rebaptiser « salaire parental » pour éviter les critiques, mais ne vous y trompez pas : le FN le conçoit avant tout pour les femmes. Il y a donc clairement l’idée sous-jacente que c’est la femme qui sait et doit élever les enfants, et que c’est donc à elle de rester à la maison. Or n’oublions pas que le travail a beaucoup contribué à sortir les femmes de leur rôle exclusif de bobonne à la maison ; il les a émancipées.

Ce principe de salaire maternel traduit par ailleurs un refus des théories sociologiques, ce qui me hérisse littéralement le poil : les mouvements comme la Manif Pour Tous, en rejetant ce qu’ils dénomment « la théorie du genre », s’attaquent en réalité aux acquis de 150 ans de sociologie (oubliant au passage qu’il s’agit d’une science tout à fait sérieuse). Oui, être un homme ou une femme se construit tout au long de la vie, via notre éducation, nos modèles parentaux, les jeux que l’on nous offre, les publicités que l’on voit à la télé, la façon dont on parle des hommes et des femmes à l’école… Et c’est ce que Simone de Beauvoir a très bien résumé en disant « on ne naît pas femme, on le devient » (dans Le Deuxième Sexe, 1949), une formule qui fonctionne d’ailleurs aussi pour les hommes. Les femmes ne sont donc pas de manière innée faites pour s’occuper de leurs enfants, et l’on pourrait très bien éduquer les garçons pour qu’ils deviennent aussi bons qu’elles à cette tâche. Pour l’heure le FN est garni de têtes complètement réfractaires à la sociologie, et ça n’aide pas. Le frontiste Dominique Martin que je citais plus haut a ainsi mis en avant que « les femmes viennent de Vénus et que les hommes viennent de Mars », comme argument final à son propos louant le retour des femmes à la maison9. Avec des crétins pareils en politique on est mal barrés.

Le FN s’attaque également au droit à l’IVG. En 2011 Marine le Pen s’est ainsi dite en faveur de son déremboursement11. Tant que le FN n’arrive pas au pouvoir, on peut néanmoins espérer que ce droit soit préservé. Chance que n’ont pas d’autres pays du nord : en octobre 2016 en Pologne, un projet de loi sur l’interdiction totale de l’IVG a failli être voté ; il prévoyait des peines allant jusqu’à cinq ans de prison pour ceux qui y dérogeraient12. Le Sénat de l’Etat du Texas est quant à lui parvenu à ses fins, en votant en mars dernier deux mesures qui nuisent gravement au droit à l’avortement : la première interdit l’usage de la méthode la plus couramment utilisée pour avorter au second semestre de la grossesse ; la deuxième permet aux médecins d'échapper à des poursuites s'ils dissimulent à leurs patientes de possibles malformations du fœtus4. Deux mesures malheureusement entérinées par le gouverneur en juin dernier13. A l’échelle plus globale des Etats-Unis, les choses ne risquent d’ailleurs pas d’aller en s’améliorant avec un président comme Trump, qui n’a pas hésité à nommer Teresa Manning au planning familial, qui est ouvertement opposée à la contraception et à l’avortement14, ainsi qu’à nommer un juge pro-life à la cour suprême (Neil Gorsuch)15. Trump entretient par ailleurs une hostilité permanente à l’égard des femmes avec ses propos misogynes (souvenez-vous qu’il raconte pouvoir les « attraper par la chatte »16).

Les femmes encore victimes du machisme dans les pays développés :

Les exemples français que je viens de vous servir portaient uniquement sur des projets politiques anti-égalitaires. Mais le terrain politique et législatif n’est pas le seul à observer pour voir si une société est égalitaire ou non. Car la loi ne peut pas tout. Elle donne des coups de pouce indispensables, mais elle ne suffit pas à elle-seule à transformer une tendance sociale : notre société est gangrénée par le machisme, il se manifeste partout, et nuit gravement à l’égalité entre les sexes. Je me contenterai ici de vous citer trois exemples-clés (le ménage, le salaire et les violences conjugales) qui incarnent justement le résultat de ce machisme :

  • En moyenne en France, les femmes consacrent trois heures trente par jour aux tâches domestiques, contre deux heures pour les hommes18. Le salaire maternel évoqué plus haut n’arrangerait évidemment rien s’il était mis en place.

  • Si l’égalité salariale est certes inscrite dans la loi, en réalité elle n’est souvent pas appliquée. Un article de France Inter le relève : « les économistes ont calculé qu'à travail, diplôme et responsabilités équivalents, au-delà des temps partiels et des interruptions de carrière plus fréquents chez les femmes, il reste au final 9% de salaires en moins totalement inexplicable sur les feuilles de salaires des femmes. Il s'agit ici d'une pure discrimination salariale, uniquement parce qu'elles ne sont pas des hommes »19. Et si l’on compare le salaire moyen respectif de l’homme et de la femme, l’écart atteint 24% (chiffre INSEE 201420, en France), ce qui s’explique bien entendu par les différences d’emplois occupés, et par le fait que les femmes parviennent beaucoup moins aux postes à responsabilité. Mais s’il n’y a aujourd’hui qu’une seule femme directrice générale d’une entreprise du CAC4021, ce n’est pas parce que la gente féminine n’a pas le business dans le sang : on les empêche malheureusement d’atteindre ces postes. Là encore on pourrait en dire beaucoup pour expliquer le long processus social qui mène à cette inégalité, mais je manque de place ici. Si vous souhaitez approfondir, je vous invite notamment à lire L’école des filles : quelle formation pour quels rôles sociaux ?, 2004, de la sociologue Marie Duru-Bellat.

  • En France une femme décède tous les 3 jours en moyenne sous les coups de son conjoint, tandis que le ratio pour les hommes est de 1 tous les 17,5 jours (chiffres de 201517). Et dans une grande proportion, les hommes tuent par refus de la séparation, alors que du côté des femmes, si la dispute est certes une cause importante, elles tuent souvent en représailles aux violences qu’elles ont subies (à l’image de la désormais célèbre Jacqueline Sauvage, qui a tué son mari en 2012 parce qu’elle n’en pouvait plus qu’il la batte).

Le coup de pouce qui pourrait tout faire basculer

Certes, en France et dans les autres pays du nord, on est loin d’approcher les horreurs décrites dans La Servante écarlate. Mais un événement exceptionnel pourrait nous y conduire, en amplifiant les inégalités que l’on constate déjà dans notre société.

Dans La Servante écarlate, le déclencheur, c’est la stérilité soudaine d’une majorité de la population. Au XXIe siècle rien ne permet pour l’heure de prévoir un tel désastre de la fécondité (même si, pour rappel, la production de spermatozoïdes connaît une baisse inquiétante22) ; mais l’on peut imaginer d’autres événements qui pourraient faire basculer nos sociétés : des guerres, des crises économiques plus importantes, des migrations plus massives et répétées, des catastrophes naturelles, et malheureusement, très certainement, tout cela à la fois.

Alors restons vigilants et exigeons toujours plus d’égalité entre les sexes.




mon impression

J’espère que cet article vous aura donné envie de découvrir La Servante écarlate, un roman que je vous recommande aussi bien pour ses qualités littéraires que politiques. Lisez-le et parlez-en autour de vous ; vous participerez ainsi à la diffusion des idées féministes qui concourent à améliorer notre société. Si vous avez le sens de l’humour (et que vous avez de l’argent !), vous pouvez aussi vous amuser comme Emma Watson à dissimuler dans tout Paris des exemplaires de ce roman, comme on distribue des tracts23. Une initiative que je salue et qui m’a beaucoup fait rire !


Roman disponible aux éditions Robert Laffont



Références :


1. Site internet The Arthur C. Clarke Award
2. « La Servante écarlate brandit l’étendard féministe » in lemonde.fr, 03/08/2017
3. « Pourquoi le livre "La Servante écarlate" est devenu un manifeste féministe anti-Trump » in francetvinfo.fr , 25/06/2017
4. « Le Sénat du Texas approuve deux nouvelles mesures anti-IVG » in lexpress.fr, 22/03/2017
5. « Pourquoi La Servante écarlate nous fait-elle si peur ? » in slate.fr, 08/08/2017
6. « Les droits des femmes dans le monde : de très fortes disparités entre Nord et Sud » in lemonde.fr, 08/03/2017
7. « Une vingtaine de pays dans le monde interdisent l'IVG » in challenges.fr, 19/07/2017
8. « Que faire en cas de viol conjugal » in avocat-ventura.fr
9. « Les femmes au foyer pour libérer des emplois : la proposition hallucinante d'un eurodéputé FN » in terrafemina.com, 30/03/2015
10. « Marine Le Pen, "féministe" ? Une escroquerie ! » in slate.fr, 10/04/2017
11. « Le Pen contre le remboursement de l'IVG » in lefigaro.fr, 14/02/2011
12. « En Pologne, l’interdiction totale de l’avortement est rejetée en commission parlementaire » in lemonde.fr, 05/10/2016
13. « Le Texas valide une nouvelle loi compliquant encore plus l'accès à l'avortement » in mashable.france24.com, 08/06/2017
14. « Etats-Unis : Donald Trump nomme au planning familial une opposante à la contraception et à l'IVG » in 20minutes.fr, 03/05/2017
15. « Etats-Unis : qui est Neil Gorsuch, le juge anti-avortement nommé à la cour suprême ? » in leparisien.fr, 01/02/2017
16. « "Quand vous êtes une star, vous pouvez les attraper par la chatte", l'enregistrement ultra-vulgaire qui va couler Trump » in 20minutes.fr, 08/10/2016
17. Etude nationale sur les morts violentes au sein du couple – Année 2015 in interieur.gouv.fr, 04/05/2016
18. « L’inégale répartition des tâches domestiques entre les femmes et les hommes » in inegalites.fr, 29/04/2016
19. « Peut-on assurer l'égalité salariale entre les femmes et les hommes ? » in franceinter.fr, 08/03/2017
20. « Les inégalités femmes-hommes en 12 chiffres et 6 graphiques » in lemonde.fr, 07/03/2017
21. « Isabelle Kocher, première femme patronne du CAC 40 » in lesechos.fr, 03/05/2016
22. « Western men could struggle to become fathers as sperm count halves in 40 years » in newsweek.com, 25/07/2017
23. « Emma Watson a caché cent livres de La Servante écarlate dans Paris » in lefigaro.fr, 22/06/2017

10 commentaires:

  1. J'ai découvert ce roman avec la série, éblouissante tant par le jeu des acteurs que dans le scénario qui sait se nourrir avec brio des grands thèmes dystopiques de notre époque. Merci pour cet article qui éclaire bien cette oeuvre phare !

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    1. Merci pour ton commentaire ! Je ne connais ni le film ni la série, mais on ne me dit que tu bien de la série. Ton commentaire me le confirme donc. Je ne suis pas tellement un amateur de séries, mais ça me donne envie d'au moins regarder un épisode ou deux pour voir comment c'est traiter.
      Je découvre au passage ton blog, et ai lu avec intérêt ton article sur notre penchant au catastrophisme qui se révèle dans dans les dystopies ("la Dystopie contribue-t-elle à la survie de notre espèce ?"). D'autant plus d'intérêt que je suis en train de travailler sur le duo dystopies-utopies et ferai un article là-dessus d'ici un mois.

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  2. MAGNIFIQUE critique!!! Waouh!

    J'ai presque envie de me précipiter dessus. Enfin, à la bibliothèque!
    Merci. :-)

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    1. Cool ! Merci à toi !
      Je vois difficilement comment ce roman pourrait ne pas te plaire. La seule question est de savoir s'il te plaira un peu ou beaucoup ^^.
      Je viens d'apprendre que la série a été primée hier soir aux Emmy Awards, ce qui me fait énormément plaisir !

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  3. Déjà, je tiens à dire que j'ai beaucoup aimé cet article où tu dénonce les aberrations que les femmes doivent vivre aux quotidiens. Je ne peux qu'être d'accord avec tout ça : Encore à l'heure actuelle, les femmes sont victimes constamment d'un tas de choses qui me révoltent.

    Pour le livre... Je l'avais commencé il y a quelques temps et l'ai laissé tomber ; ce que j'ai lu me semblais lent et manquant fortement d'action. Est-ce que ça s'améliore au fil des pages ? Car visiblement, le contenu est passionnant !

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    1. Merci beaucoup ! Ca fait plaisir que cet article soit lu après plusieurs années (j'y avais consacré beaucoup de temps^^, mais il avait été peu lu). Sinon, pour répondre à ta question, je m'apprêtais à te dire que le rythme reste lent. Mais comme ça fait 3 ans que je l'ai lu, j'ai préféré en discuter avec ma copine qui a une meilleure mémoire ^^. Elle me dit se rappeler d'un début assez lent, qui posait le décor. Mais après, le rythme s'accélère. Néanmoins, cela n'en fait pas un roman d'action. Il se passe pas mal de choses, mais le cadre de captivité de l'héroïne (son quotidien entièrement contrôlé) fait que cela conserve une forme de lenteur, qui ne m'a pas gêné. Donc difficile de dire ce que tu en penserais. Si tu t'étais arrêté avant les 40 premières pages, ça vaut peut-être le coup d'essayer au-delà. Ou sinon, regarde la série (mais j'ai bien noté que tu n'étais pas trop série ^^). Je ne l'ai jamais regardée cette série ; mais je crois que la saison 1 (qui correspond au roman) a été très appréciée.

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  4. Salut,
    J'avais pas vu ta réponse, heureusement que je repasse par là^^
    En effet, il me semble pas avoir été au delà des 40 pages donc, je retenterais quand les bibliothèques ré-ouvrirons. Merci pour l'information :)
    J'ai acheté récemment "Vox" qui semble s'inscrire dans le même genre, tu l'as lu ?

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    1. Non je n'ai pas lu Vox. C'est de qui ? Ca parle de quoi ?

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    2. Une autre dystopie où la femme est victime de loi abjecte pondue par l'homme. Tiens, le liens où tu retrouvera le résumé, le nom de l'auteur, etc : https://booknode.com/vox_02647664

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    3. Merci ! J'aime beaucoup cette idée de limiter le nombre de mots à 100 par jour.

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