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samedi 30 décembre 2017

Malpertuis..........un roman de Jean Ray

Titre : Malpertuis
Auteur belge : Jean Ray
Première édition en 1943
Catégorie : roman fantastique
270 pages

Photo du livre

Publié en 1943, Malpertuis est un grand classique du genre fantastique. Jean Ray enferme son lecteur dans une maison bourgeoise hantée, qui se présente comme un miroir de notre société. Il y déploie un imaginaire syncrétique (mêlant ainsi des références aussi bien aux mythes grecs qu’au catholicisme), et cela avec une très belle langue.

Un livre incontournable pour tous les amoureux de littérature fantastique.



L’oncle Cassave est sur le point de mourir. Il laisse à ses proches une fortune immense. Mais ceux-ci ne pourront en bénéficier qu’à condition de vivre dans sa grande demeure bourgeoise, dénommée “Malpertuis”, qui intègre en rez-de-chaussée un magasin de “couleurs et de vernis”. Bien qu’ayant des difficultés à se supporter les uns les autres, l’appel de l’argent les résout tous à y emménager.

Ils sont dès lors très nombreux à vivre à Malpertuis. Avant même la mort de l’oncle Cassave, la demeure abritait déjà un couple de concierges, une cuisinière, le vendeur du magasin, un responsable des chandelles, mais aussi Jean-Jacques et Nancy Grandsire, les deux enfants laissés à la charge de l’oncle Cassave depuis le départ de leur père en voyage à l’autre bout du monde. Deux enfants somme toute assez âgés, puisque Jean-Jacques est sur le point d’avoir 20 ans, et que sa soeur semble être son aînée.

Avec l’exécution testamentaire de l’oncle Cassave, viennent s’ajouter huit personnes : un médecin, le cousin Philarète (un taxidermiste), les trois soeurs Cormélon âgées d’environ 30 - 40 ans, et enfin le couple Dideloo avec leur fille Euryale.

Le récit est fait à travers cinq narrateurs différents, l’un des cinq se présentant comme celui qui a réuni les différents écrits des autres. Sur les cinq narrateurs, l’un d’eux prime clairement sur les autres : Jean-Jacques Grandsire, le jeune homme de presque 20 ans que je citais plus haut. Car c’est lui qui nous raconte le gros du récit, et notamment tout ce qui se passe à Malpertuis même. Les quatre autres narrateurs permettent quant à eux d’apporter des éléments de compréhension et de dénouement qui se déroulent soit plusieures dizaines d’années avant le récit de Jean-Jacques, soit juste après. L’ensemble ayant vocation à nous faire comprendre pourquoi Malpertuis est maudite.

Dans cette demeure, on découvre assez vite que tout ne tourne pas rond : des êtres minuscules se baladent dans le grenier et éteignent les lampes ; le vendeur du magasin de couleurs meurt la tête clouée au mur, ce qui ne l’empêche toutefois pas de continuer à chanter ; le couple de concierges utilise une sorte de squelette animé pour faire le ménage… Pour ne citer là que des exemples. Malpertuis est maudite, et condamne donc ses habitants à la mort, sauf pour ceux qui décident à temps de la quitter. Jean-Jacques se retrouve ainsi de plus en plus seul. Ces moments sanglants sont entrecoupés de temps beaucoup plus posés, consacrés aux repas et aux jeux (le whist), qui permettent aux différents hôtes de Malpertuis de se retrouver quotidiennement.

Même si ce roman s’approche du genre de l’horreur, il ne m’a pas vraiment fait frissonner. Je ne suis d’ailleurs pas certain que cela ait été l’objectif de Jean Ray. Comme nous l’indique Arnaud Huftier en postface, Jean Ray souhaite avant tout dépeindre notre société, faisant des habitants de Malpertuis son incarnation. Il se moque de cette petite bourgeoisie, recluse sur elle-même, qui n’ose pas se regarder, et encore moins essayer de savoir ce qui se passe à l’extérieur. Arnaud Huftier souligne qu’au moment même où Jean Ray écrit ces pages, l’horreur des camps de la mort s’étend à toute l’Europe. Faut-il donc y voir un triste clin d’oeil ? Celui d’une société qui se satisfait de son confort, et ferme les yeux pour mieux le préserver ? C’est en tout cas l’analyse d’Arnaud Huftier.

Avant d’atteindre le dernier tiers du roman, j’ai eu l’impression de lire un Balzac qui aurait eu envie de pimenter son texte avec de l’horreur. Je n’attendais pas spécialement d’explication à cette malédiction de Malpertuis, comme c’est souvent le cas dans le fantastique. Sauf qu’à mon grand étonnement, le dernier tiers vient nous donner une explication logique (attention : je n’ai pas dit réaliste ; on reste dans le fantastique !). Jean Ray réinterprète alors tout son récit à travers les mythes grecs, ce qui m’a complètement surpris. Même si pourtant, comme le souligne encore Arnaud Huftier dans sa postface, maints indices étaient semés ici ou là. Je ne vous en dirai bien entendu pas plus, pour vous laisser le loisir de vous faire surprendre également. Cela participe en tout cas à faire de ce roman un texte syncrétique, qui mêle aussi bien la mythologie antique, que les superstitions ou le catholicisme.

Ma culture en fantastique et en horreur est bien trop faible pour que je puisse vous dire s’il s’agit d’un bon roman dans le genre. Les spécialistes le disent en tout cas. Je me contenterai donc pour ma part de vous dire mon sentiment, en tant que novice : Malpertuis s’est révélé agréable à lire, car Jean Ray use d’une très belle langue, et parvient toujours à nous tenir en haleine. Néanmoins, j’ai trouvé l’intrigue un peu faible : Jean-Jacques voit son entourage disparaître peu à peu ; la seule interrogation du lecteur étant de savoir si Jean-Jacques en réchappera ou non. Il y a aussi la promesse, souvent répétée, de toucher une compréhension d’ensemble à la malédiction de Malpertuis, qui se trouve en effet récompensée à la fin. Mais je dois dire qu’apprendre l’origine de cette malédiction m’a peu intéressé. Ce passage par les mythes grecs était à mon avis facultatif.

La présente édition (celle d’Alma) apporte par contre une véritable plus-value avec l’ajout d’une postface, rédigée par Arnaud Huftier. Elle permet vraiment d’approcher une analyse d’ensemble, qui m’avait en partie échappé.



mon impression

Avoir lu Malpertuis se sera révélé globalement plaisant : ayant peu lu de textes fantastiques, celui-ci aura participé à mon initiation au genre, à travers un récit bien écrit, et plutôt rythmé. J’aurais néanmoins apprécié une intrigue un peu plus poussée. Mais sans doute l’horreur, et plus généralement le fantastique, font-ils justement peu de cas des intrigues.


Roman disponible aux éditions Alma

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